Message de Noël du Doyen
Paris, le 15 décembre 2023.
Chers étudiants, chers amis de l’Institut Saint-Serge,
Alors que nous nous dirigeons en esprit, une nouvelle fois, vers la grotte de Bethléem pour célébrer en Église la fête de Noël, la situation du monde en cette fin d’année n’a rien, humainement parlant, de très réjouissant : intensification d’une guerre massive sur le front ukrainien, épuration ethnique des Arméniens du Haut-Karabakh, massacres et vengeances sans fin au Proche-Orient sur les lieux que le Seigneur a bénis par sa présence, aggravation de la crise climatique mondiale avec ses effets en cascade incontrôlables… Le tableau est sombre.
Devant la litanie des douleurs de notre monde magnifique et terrible, comment penser encore à célébrer la fête de Noël ? Cela n’est possible que si, humblement, nous nous dépouillons de toutes certitudes et espérances purement humaines et que nous ouvrons nos cœurs à la présence secrète de Celui qui est venu et qui revient dans l’Esprit nous donner la vie éternelle. Jusqu’au dernier jour, en effet, le temps de la grâce et du Royaume coexiste avec le temps de la malice et du chaos.
En ce temps de la Nativité du Sauveur, nous célébrons la venue inimaginable de Dieu au cœur du monde et de nos vies humaines, ce que la Tradition appelle l’Incarnation divine. Chantons avec l’office de Noël :
« Écoute, ciel, et tends l’oreille, terre ! Que vacillent tes fondements et que la crainte s’empare des enfers, car le Dieu Créateur a revêtu la forme de la chair et Celui qui de sa main puissante a créé le monde se montre au cœur de la création. Ô mystère profond de la richesse, de la sagesse et de la connaissance de Dieu ! Que ses jugements sont insondables et ses voies impénétrables ! »
Saint Jean Damascène, dans l’Hirmos de la 1re ode du canon des matines de Noël (directement repris du Discours 38 de saint Grégoire le Théologien) clame :
« Le Christ naît, glorifiez-Le ; le Christ descend des cieux, allez à sa rencontre ! Le Christ est sur terre, relevez-vous ! Chantez le Seigneur, toute la terre et, dans votre joie, peuples, célébrez-Le, car Il s’est couvert de gloire ! »
Cette gloire dont le Seigneur S’est revêtu est celle de l’humilité et de l’amour, déjà présente dans la petite grotte de Bethléem où le divin enfant est contraint de loger sur la paille entre un âne et un bœuf, puisque toutes les hôtelleries des environs affichent complet et qu’« il n’y a pas un endroit où le Fils de l’homme peut reposer la tête » (Mt 8,20).
C’est le grand mystère caché depuis la fondation du monde : la venue de Dieu parmi les hommes. « Il est venu chez Lui et les siens ne l’ont pas reçu, mais à ceux qui L’ont reçu, à ceux qui croient en son Nom, Il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu » (Jn 1, 11-12).
Saint Tikhône de Zadonsk (xviiie s.) nous invite à entendre cet appel : « Maintenant, il ne nous reste plus qu’à savoir comment nous pouvons faire venir le Christ dans notre maison. Nous savons qu’il ne dédaigne pas même une chaumière. Plus encore, il se tient à la porte et Il frappe, comme Il le dit dans l’Apocalypse. Pour nous, Il est venu dans un sein virginal et, s’étant formé un corps du sang de la Vierge, Il est né d’une façon miraculeuse. Il ne haïra pas non plus notre misérable hutte, si nous Le prions avec humilité, car Il est miséricordieux et ami des hommes, et Il cède aux humbles demandes. »
Face à l’indécence de la violence, demandons avec saint Jean Damascène au nouveau-né Prince de la Paix : « Tu viens ramener la nature humaine égarée, des collines désertes aux pacages fleuris, ô Résurrection des nations ! Mets fin à la puissance brutale de l’homicide, Toi qui providentiellement es apparu comme homme et comme Dieu ! » (tropaire de la 8e ode du canon des matines de Noël).
Dans le récit de la conversion de la Rous’ de Kiev, la Chronique de Nestor rapporte que ce qui manquait aux religions des différents peuples visités au xe siècle par les envoyés du prince Vladimir, c’était la joie, la légèreté du cœur, qu’ils trouvèrent en assistant à la Divine Liturgie célébrée à Sainte-Sophie de Constantinople. Aussi confièrent-ils à leur retour : « Il n’y a pas ailleurs sur la terre une telle beauté ! »
Recherchons donc et cultivons avec toute l’attention requise cette joie de la rencontre intérieure de l’enfant-Dieu descendu dans la crèche de nos cœurs ; joie aussi de la quête et de l’approfondissement, en Église, du mystère de la Divino-humanité de Celui qui a désiré se rendre accessible dans le Saint-Esprit.
Au nom de tous mes collègues, je vous présente nos vœux de paix, d’espérance et de joie pour les fêtes de Noël et de la Théophanie, et pour la Nouvelle Année.
Michel Stavrou,
Doyen