Compte rendu de la 69e Semaine d’études liturgiques de l’ITO Saint-Serge (4-6 juillet 2023)

La 69e Semaine d’Études liturgiques s’est déroulée dans les locaux de l’Institut Saint Serge du 4 au 6 juillet 2023 ; son thème était : Prières eucharistiques : reflets multiples de l’unique Mystère.

On ne saurait exagérer l’importance centrale de la célébration eucharistique, et des formulaires employés, pour la vie des Églises dès leurs premiers temps. L’évolution depuis les premiers récits de la Cène dans le Nouveau Testament jusqu’à des prières eucharistiques élaborées, et les possibles influences antérieures sur les récits eux-mêmes sont des questions ayant fait l’objet d’un grand nombre d’études depuis plus de 50 ans, avec l’émission d’hypothèses de plus en plus spécialisées. Voilà qui souligne la nécessité d’une meilleure approche de ce qu’est l’Eucharistie, célébration fondatrice de l’Église et actualisatrice du Mystère du salut.

Face aux grandes interrogations formulées dans les études spécialisées concernant les prières eucharistiques et leur caractère fondateur du Mystère de l’Église, les organisateurs du colloque ont donc souhaité revisiter l’articulation entre le dernier Repas partagé par Jésus-Christ avec le collège des douze Apôtres et la constitution progressive des Prières eucharistiques élaborées à diverses époques. L’objectif proposé était de rechercher, dans telle ou telle Prière eucharistique, quel aspect celle-ci cherche à mettre en valeur au sein de l’unique Mystère, très riche sinon inépuisable.

La rencontre a totalisé 17 exposés, dont un lu en l’absence de l’auteur. La plupart des orateurs étaient originaires de France, mais aussi du Canada, d’Italie, des Pays-Bas, de Roumanie et de Suisse. Quelques exposés ont été prononcés à distance, avec une bonne qualité technique de communication, occasionnant malgré l’éloignement une bonne teneur des échanges.
Le programme s’est articulé en quatre axes de réflexion, successivement : l’enracinement biblique des anaphores, le processus de leur élaboration, la pluralité des traditions locales et finalement des questions d’actualité, en particulier l’anaphore comme prière comme prière non d’un individu, mais d’une Église.

Ce dernier aspect a été évoqué de près ou de loin par un grand nombre des communications, non uniquement dans la dernière des quatre parties énumérées ci-dessus.

Au début du colloque, un exposé inaugural a retracé attentivement l’élaboration des Prières eucharistiques depuis les témoignages ou formulaires les plus anciens jusqu’au 4e siècle. Le propos y a repéré entre autres une évolution dans la façon de nommer la sanctification des oblats et les oblats eux-mêmes (par exemple : « antitypes »), le lien établi par Jésus entre le dernier repas et sa passion que va suivre, un dépassement de la mort par une vie dans le Royaume, la rémission des péchés et l’immortalité accordées aux bénéficiaires, l’ordre de réitération.

Puis l’arrière-fond biblique des Prières eucharistiques a été analysé pour montrer que la doctrine catholique a expliqué l’Eucharistie à partir de l’interprétation de la mort du Christ selon l’Épître aux Hébreux et non selon les Évangiles ; à ces Prières une lecture audacieuse propose comme Sitz im Leben la solennité du Grand Pardon juif plutôt que celle de la Pâque.
La relation entre les 4 récits bibliques de la Cène et les premières Prières eucharistiques fait l’objet de deux grands types d’hypothèses, l’une plus historique et l’autre, d’inspiration patristique, faisant appel à un dépassement du temps, ces récits étant alors interprétés comme déjà une toute première Eucharistie, anticipée avant la Croix et la Résurrection.
Le dernier exposé de cette première partie a désigné une cristallisation aussi tardive que quasi exclusive, dans les interprétations, sur les Paroles d’institution au sein de la Prière eucharistique, tandis que celle-ci devrait être considérée davantage dans sa globalité.

Dans la 2e partie, plusieurs exposés ont analysé l’importance de l’épiclèse et l’objet de ses demandes, avant un accent sur les mots concernant l’Église comme Corps du Christ, manifestée et réalisée par la consommation des éléments eucharistiques. On a pu aussi constater une visée eschatologique, dont l’expression est relevée dans un grand nombre des formulaires cités ou analysés dans les divers exposés. La Prière eucharistique gagne à être envisagée en sa globalité, depuis le dialogue initial jusqu’à la conclusion doxologique et à l’Amen final, au lieu d’une réduction au seul Canon eucharistique débutant après la préface.
La partie suivante a présenté deux traditions particulières, respectivement les formulaires occidentaux non romains et les compositions utilisées ou élaborées dans les Églises issues de la Réforme : deux parcours qui ont mis en évidence, parmi d’autres richesses, la Prière eucharistique comme demande d’intégration ecclésiale, et comme expression d’une attente eschatologique du Royaume déjà inauguré.

La quatrième et dernière partie a souligné la pluralité de compositions récentes de Prières eucharistiques, une profusion parfois anarchique exigeant en retour une régulation, puis l’efficacité de la célébration comme manifestation concrète de la miséricorde divine, incluant chez les communiants une grande responsabilité tant vis-à-vis des autres membres de la communauté que de l’ensemble de l’humanité.

Dans ces derniers exposés ont été dénoncées des réductions de la dimension ecclésiale par une célébration comprise comme réduite à l’action d’un seul, occultant le rôle de l’assemblée. Cette dimension communautaire s’exprime aussi, dans certaines traditions locales, par l’usage des diptyques, où doit être mentionné avant tout l’évêque titulaire du lieu. Cette mention souligne la célébration eucharistique comme un acte accompli par l’Église en un lieu donné.

Enfin, cette même dimension ecclésiale et synodale est développée dans un dernier exposé reprenant diverses expressions trouvées en ce sens dans des Prières eucharistiques, notamment l’usage exclusif du pluriel, s’agissant d’une prière de l’assemblée et non d’un seul.
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Cette 69e Semaine avait été préparée par des demandes de traitements de thèmes spécifiques, confiés à certains orateurs ; d’autres exposés ont été proposés par des chercheurs en réponse à un appel à contributions. Dans le grand nombre des projets d’exposés parvenus, et la plupart retenus par les organisateurs comme répondant au thème envisagé, il a été demandé à plusieurs orateurs de bien vouloir reporter leur exposé à juillet 2024. Ainsi, la future 70e Semaine liturgique à Saint Serge sera sur le même thème, en prolongement au colloque de cette année, avec des aspects particuliers qui restent à définir.
Le 1er soir s’est achevé par la célébration des Vêpres en l’église Saint-Serge, suivie d’une collation avec présentation de quelques ouvrages récemment publiés par quelques-uns des orateurs.Le 2e jour de la rencontre, un certain nombre de participants se sont rendus à Versailles pour visiter la Maison des Diaconesses de Reuilly, une communauté de sœurs qui se consacrent à la prière et à un service à autrui.
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Depuis 1953, sauf une interruption en 1956 et une en 2020 en raison de la pandémie, les Semaines d’Études liturgiques sont annuellement organisées à l’Institut Saint-Serge, depuis peu en hybride, sur place avec participation possible à distance ; une traduction simultanée est assurée en français et anglais. L’objectif de ces rencontres à caractère œcuménique et académique est une découverte réciproque des diverses traditions liturgiques, essentiellement par l’étude comparative de textes et d’usages, pour déceler au-delà des différences et par-delà des pratiques diverses, de possibles points de convergence doctrinale.
Concernant cette 69e rencontre, et celle prévue l’an prochain, dont le programme est en cours d’élaboration, toute remarque sera la bienvenue à cette adresse : semlit.stserge@yahoo.fr
Pour récupérer la photo du groupe, cliquez ICI.

Les organisateurs des Semaines liturgiques Saint-Serge.