Un colloque international consacré à l’œuvre d’Olivier Clément (Paris, 17-18 mai 2019)

À l’occasion du 10e anniversaire de la mort du théologien orthodoxe français Olivier Clément, l’Institut Saint-Serge de Paris (où il enseigna près de 40 ans), l’ACER-MJO et la revue de théologie orthodoxe Contacts ont organisé un colloque ayant pour thème « L’œuvre théologique d’Olivier Clément (1921-2009), redécouvrir le sens de l’Église en dialogue avec le monde contemporain ». Le colloque, qui s’est tenu à l’Institut Saint-Serge, 93 rue de Crimée, à Paris, les 17 et 18 mai 2019, a rassemblé 16 conférenciers issus de 6 pays et environ 80 participants pour ses six sessions thématiques de conférences. En préambule, Cyrille Sollogoub, président de l’ACER-MJO, a présenté la vie et les écrits du théologien français, rappelant son enfance languedocienne passée dans un milieu athée, puis sa découverte du Christ à l’âge de trente ans et son entrée dans l’orthodoxie, Église où il a déployé son activité théologique exceptionnelle en parallèle avec son métier de professeur d’histoire.

Durant la première session, « Revisiter les sources », le p. Nicolas Cernokrak, doyen de l’Institut Saint-Serge où il est professeur de Nouveau Testament, a présenté la méthode exégétique d’Olivier Clément, son rapport à l’Écriture comme critère théologique et spirituel, qui doit s’appuyer sur l’expérience de vie sous l’éclairage de l’Esprit Saint. Le p. Marc-Antoine Costa de Beauregard, docteur en théologie orthodoxe et recteur de la paroisse orthodoxe Saint-Germain-et-saint-Cloud à Louveciennes, a ensuite analysé l’introduction à la Philocalie rédigée par O. Clément, soulignant la dimension poétique et lyrique du langage du théologien comme le plus approprié pour transmettre le mystère divin et le situant ainsi dans la grande lignée des Pères philocaliques.

La seconde session, « Littérature et vie spirituelle », s’est ouverte par une analyse de Tatiana Victoroff, professeur de littérature comparée à l’université de Strasbourg, qui s’est intéressée aux livres sur Berdiaev et Soljenitsyne écrits par O. Clément, pour montrer comment le théologien a su chez ces auteurs mettre en lumière la métahistoireà l’œuvre, où prennent sens les événements historiques les plus absurdes, où la mort « devient une blessure de transcendance qui féconde profondément l’Histoire ». Jean-Claude Polet, professeur émérite de littérature à l’université de Louvain (Belgique), a ensuite montré comment O. Clément déjoue, dans son approche de la littérature, les principes traditionnels de l’herméneutique littéraire pour se situer au cœur existentiel du message. L’intervention d’Olga Lossky, auteure de romans et secrétaire de la revue Contacts, a proposé une analyse de la langue du théologien pour mettre en lumière la façon dont elle exprime la « troisième beauté », affleurement du Royaume de Dieu, présente au sein de notre réalité. Le philosophe Bertrand Vergely, enseignant la théologie morale à l’Institut Saint-Serge, a brossé le contexte philosophique dans lequel se déploie l’anthropologie d’Olivier Clément, où « ce que nous serons n’a pas encore été révélé » (1 Jn 3,2).

Olivier ClémentSamedi 18 mai, la troisième session, consacrée à « un christianisme en dialogue » a permis d’entendre tout d’abord in absentia le texte d’Andréa Riccardi, fondateur de la communauté Sant’Egidio, qui est revenu sur le moment crucial de Mai 68 où O. Clément se met à l’écoute des revendications étudiantes, où il discerne une soif métaphysique, et où il a également l’occasion de rencontrer, à quelques mois des manifestations, la figure paternelle du patriarche Athénagoras dont la pensée va le toucher en profondeur. Le frère Richard, membre de la communauté de Taizé, a ensuite montré la grande proximité spirituelle entre Taizé et O. Clément, qui avait trouvé dans la communauté une de ses patries spirituelles et en qui celle-ci avait trouvé un ami fidèle, connaisseur de la Tradition ecclésiale ancienne. Le frère Lino, de la communauté monastique de Bose (Italie), a ensuite lu un court message en hommage à O. Clément. Puis la théologienne catholique Barbara Hallensleben, professeur de dogmatique et de théologie œcuménique à l’université de Fribourg, s’est penchée sur le livre d’O. Clément Rome autrement pour mettre en question la position du théologien orthodoxe sur la primauté romaine, suggérant que son analyse s’appuyait trop spécifiquement sur Vatican I et proposant également des perspectives pour penser la primauté dans la sphère orthodoxe.

La quatrième session, « De l’histoire du salut à la métahistoire » a permis d’entendre tout d’abord Jeremy Ingpen, diplômé de l’Institut Saint-Serge et traducteur en anglais du premier livre d’O. Clément Transfigurer le temps, qui a présenté la pensée de ce livre relative à la relation entre l’histoire des hommes et celle de Dieu : « Pour l’Église, écrit O. Clément dans Transfigurer le temps, l’ultime est déjà dans le temps. » Goran Sekulovski, professeur de patristique à l’Institut Saint-Serge et enseinformelles, et a offert un moment intense et festif à la mémoire du grand théologien. Les Actes seront publiés dans une livraison à venir de la revue de théologie orthodoxe Contacts.